Ces dernières années, tous les appareils qui nous entourent se sont mis à développer une vie qui leur est propre. Les téléviseurs modernes enregistrent les conversations de leur entourage, les réfrigérateurs modernes s’occupent dans le même temps de la gestion des provisions et même les fours modernes ne se limitent plus à être un foyer de chaleur électrique : ils disposent d’interfaces internet avec lesquelles on est censé pouvoir les allumer « [en étant] en chemin » et grâce auxquelles ils échangent / sont capables d’échanger à leur guise des données avec leurs fabricants et autres indiscrets. Avec les smartphones, la plupart des gens trimballent de toute manière volontairement leur micro depuis longtemps sur tous leurs trajets. Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses personnes fassent rentrer chez elles, y compris de leur plein gré, le programme d’espionnage de l’entreprise Amazon nommé Alexa. Et tandis que les « féru.e.s de technologies » construisent avec enthousiasme des cages qu’ils appellent « Smart Home », l’État et une flopée d’entreprises de technologie ont des plans et des visions encore plus vastes et importants : la (l’auto-)surveillance volontaire entre ses quatre murs, c’était hier : la « smart city » d’aujourd’hui et de demain comprend un répertoire impressionnant de capteurs sensoriels afin non seulement d’enregistrer et de surveiller avec minutie qui est où et avec qui, mais également de contrôler les mouvements et les actions des habitant.e.s de la ville, ainsi que de les orienter et de les manipuler, en utilisant des méthodes plus ou moins sophistiquées. A y regarder de plus près, cela relève semble-t-il pour eux d’une cruelle nécessité, car dans les environnements de plus en plus hostiles des villes d’aujourd’hui, où la priorité absolue est accordée au transport de bétail humain dans les bureaux, les magasins et les usines, ainsi qu’au transport de marchandises censées satisfaire de faux besoins, tout potentiel subversif doit être réduit au silence – ou mieux encore – être intégré au sein de cette illusion de vie avant qu’il ne se propage telle une épidémie et ne cause des dégâts irréparables à ce monde idéal merveilleux.
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