Les cibles sont partout : les entreprises avec leurs bâtiments, leurs machines, leurs véhicules, leurs responsables ; les galeries commerciales, les panneaux publicitaires, les tribunaux, les comicos et les patrouilles de flics, les casernes militaires, les axes de transport, les barbelés aux frontières, les caméras de surveillance, les réseaux de fibre optique, les antennes-relais, les bâtiments gouvernementaux, les églises, les permanences de partis politiques… et parfois on arrive même à avoir une voiture du corps diplomatique, comme cela s’est produit le week-end dernier à Bâle. Hihi !
(Selon les dépêches des journaux, deux véhicules en feu ont été signalés vers 2h15, tôt dimanche 17 mai sur la Nonnengasse. Les dégâts matériels ont été considérables. La deuxième voiture devait probablement être la Mercedes qui était garée devant).
On ne sait pas quel est précisément le corps diplomatique ciblé. Une quelconque personne et institution au service de n’importe quel État. Mais cet acte est plutôt à interpréter comme une attaque contre l’ensemble de ce monde d’États, contre l’idée même d’être gouvernés et administrés, contre le principe de l’autorité en tant que tel.
Qu’est-ce qui pourrait être dit dans ce communiqué pour être à la hauteur de l’histoire de l’autorité institutionnalisée du siècle passé ? Une histoire marquée par l’assujettissement, l’expropriation, la contrainte, la persécution, la dévastation, le contrôle, allant jusqu’aux massacres de masse répétés. Alors, d’où faudrait-il partir et où s’arrêter ?
Conscients que seule une insurrection généralisée représenterait une réponse appropriée, voici néanmoins quelques mots :
L’État, en tant qu’expression concrète des relations autoritaires, incarne l’idée que la société dépendrait donc du règlement d’un pouvoir centralisé afin de pouvoir cohabiter côte à côte de manière pacifique et ordonnée. En commandant et en sanctionnant, l’État gère les gens et les maintient sous son joug, selon ses propres valeurs et ses alliés. Peu importe la forme qu’il prend, sa couleur et son intention, l’État constitue toujours une attaque décourageante contre la capacité de l’humain à découvrir par lui-même sa propre réalité et à la définir en fonction de son imagination, individuelle comme collective, très diverse et unique. La vie pourrait être un jeu à réinventer en permanence, mais sous le joug de l’État elle est une simple survie pour quelque chose qui ne t’appartient pas.
Afin de préserver voire même d’élargir cette position de pouvoir acquise dans le sang, les conflits militaires avec des États concurrents et le développement constant du contrôle sont inéluctables. « L’État n’œuvre pas à la paix, il mène la guerre. L’État ne protège pas, il donne des ordres, menace, opprime, enferme… », était écrit sur un mur, et à cela on devrait seulement ajouter qu’il protège aussi les intérêts des riches.
La lutte hypocrite des différents États pour avoir le monopole de l’interprétation sur l’actuelle crise du coronavirus n’est qu’un énième épisode de leur sinistre logique : une guerre qui, aujourd’hui, est plutôt menée pour les données, le savoir et les informations. La guerre du XXIe siècle.
L’utilisation à grande échelle des nouvelles technologies numérique de contrôle afin d’endiguer la crise caractérise également ce nouveau siècle, dans lequel la vie, ayant de plus en plus lieu dans l’espace numérique, sera contrôlée, évaluée et surveillée par des algorithmes invisibles. Les limites de cette évolution ne sont pas prévisibles, d’autant plus que la pression pour le progrès ne cesse de les repousser toujours plus loin.
L’épidémie de coronavirus n’est qu’une crise dans un monde où les crises sont devenues classiques. D’autres crises provoquées par cet ordre social apparaîtront. On peut d’ores et déjà répondre à la question de savoir comment ce monde d’États réagira à cette situation. La gestion répressive est un art que l’État maîtrise à la perfection.
Nous y voilà donc. Par où commencer, où agir ?
Peut-être ici même.
Vive la révolte !
Quelques personnes qui refusent de se résigner,
comme des milliers d’autres auparavant et, nous l’espérons, des milliers par la suite.
[Traduit de l’allemand par SAD de barrikade.info, 22. Mai 2020]