Dans le cadre de la semaine d’agitation et de propagande contre la gentrification, la spéculation immobilière et en défense aux squats », deux véhicules des entreprises « E-Move » et « Car To Go » ont été incendiés dans les quartiers Arganzuela et Prosperidad.
Nous sommes en plein renforcement de la dernière réinvention de la démocratie et des illusions renouvelées dans les structures dépassées de l’État et du parlementarisme. L’irruption de la « nouvelle politique » dans le paysage politique a permis au système de renouveler ses structures de domination et de leur donner une nouvelle légitimité, épuisées après des années de crise. Au fur et à mesure que le cirque électoral s’est renforcé, l’agitation dans les rues a diminué. Comme toujours.
En parallèle, nous avons constaté l’infiltration et la coexistence au sein de ce qu’on appelle « les mouvements sociaux » de politicien.ne.s et de petit.e.s chef.fe.s qui ont instrumentalisé toute tentative de lutte, à travers notamment les nombreuses marches blanches de Podemos au niveau municipal, cherchant à prendre la part du gâteau du pouvoir municipal. Il est de plus en plus courant de voir des personnages comme Errejón dans les manifestations contre les centres de rétention [CIE], des parlementaires lors des expulsions de logements comme celle de la calle Argumosa, ou d’observer à quel point pullulent conseillers municipaux et tout type de politicard.e.s dans les centres sociaux squattés ou non, dans telle ou telle assemblée…
Tout est fait dans une logique électoraliste et tend à banaliser le fait que nous vivions aux côtés des gouvernant.e.s et celles/ceux qui aspirent à nous gouverner.
La récente liste d’Íñigo Errejón [1] et de son nouveau parti (« Mas Madrid ») pour la Communauté de Madrid, sur laquelle figurent de vieilles connaissances du milieu anarchiste, montre la nécessité de lancer une offensive directe et globale contre l’infiltration de la politique dans les luttes, y compris au sein même de notre propre mouvement.
Cela devrait servir de mise en garde à celles et ceux qui parlent d’action directe tout en rendant possible la cohabitation avec les institutions ou leurs représentant.e.s, la voie de la médiation par la politique et la négociation. Il n’y a pas de demi-mesure, pas de collaboration possible avec les politicien.ne.s de tous poils ni avec une quelconque institution de l’État.
Les deux côtés de la barricades sont clairement définis. Combattre la démocratie comme élément d’intégration et formule de gestion du conflit de la part de l’État est un effort permanent et actif, allant bien au-delà des dates ponctuelles de mobilisation de « masse » lors des campagnes électorales (même si ça l’est aussi).
Qu’est ce qui a conduit à la victoire de « Ahora Madrid » ? [2] Une pile de protocoles médiatiques déguisés en avancées écologiques, plus d’expulsions de logements, plus d’expulsions de sans-papiers, procédures menaçant les espaces squattés, policiers municipaux qui harcèlent et persécutent les personnes migrantes, plus de contrôle policier, de vidéo-surveillance, des fêtes et des méga-événements sponsorisés par de grosses entreprises, comme l’Orgullo, les gigantesques fêtes urbaines sous bénédiction de l’union sacrée entre l’État et le capital – l’operation Chamartín, les quartiers gentrifiés, touristiques et voués à la spéculation capitaliste, avec l’expulsion des habitant.e.s qui en résultent et la précarisation des conditions de vie déjà bien pourries dans un système fondé sur l’exploitation et la soumission.
Et tout cela sous la puanteur des innombrables entreprises de l’écologie qui émergent, des « voies vertes », des centres de loisirs parfaitement contrôlés et surveillés pour le progrès de la classe moyenne, comme « Matadero », l’idéologie du recyclage et d’autres mesures écologiques de l’étatisme européen : le but est de dissimuler le fait que les villes, comme centres de commandement du capital et du pouvoir, sont des monstres dévastateurs qui détruisent la planète et l’environnement, insoutenables à tous les niveaux pour tout ce qui ne fait pas partie du développement capitaliste. Il n’existe pas d’administration possible de la ville qui se fasse sans le contrôle social, la spéculation et les aménagements constants en fonction des besoins du pouvoir. Un autre exemple de la nécessité d’un État qui réglemente le capital par la réforme, afin de perpétuer les mêmes logiques de domination et de destruction de la terre dans le respect des paramètres démocratiques.
La technologie joue ici un rôle particulier, à nouveau ornée d’une couche de vernis de l’idéologie du progrès, de l’efficacité et de la gestion écologique : la « smart city » (ville connectée) comme projet d’une ville sous surveillance où l’information et des bases de données sont mises à disposition des entreprises et de l’État, au service du marché et du contrôle. En ce qui concerne la « smart city », on peut parler des compteurs de gaz et d’électricité « intelligents » qui permettent de déterminer à quelle fin et de quelle manière la lumière est utilisée [3], les caméras de surveillance M30 ou de Lavapiés, et bien sûr toutes les entreprises parrainées par le conseil municipal du style de “Bicimad”, “E-Move” ou “Car To Go” : attaquer l’un de ses rouages, c’est attaquer toute une logique fondée sur le contrôle et la consommation, vue comme unique forme de vie. Le capitalisme 4.0 trouve son meilleur allié dans la social-démocratie postmoderne et dans le parti de Manuela Carmena [4] et de ses acolytes.
Cette attaque incendiaire n’est qu’une petite contribution à la guerre sociale en cours accompagnée d’une petite réflexion opportune pour préciser que nos ennemis sont l’Etat et le capitalisme, ses défenseur-e-s et ses faux-critiques.
Guerre à la démocratie !
Guerre à la ville du capital !
Vive l’anarchie !
Des anarchistes.
[Traduit de l’espagnol de Contramadriz, 03.03.2019]