Nous sommes sous couvre-feu. On nous ordonne de “rester à la maison”. Seul ce qui est nécessaire à la survie est autorisé, mais il n’est jamais mentionné de quelle survie ils nous parlent. Nous continuons à être reçus par des colonnes de fourgons anti-émeutes de la police (gyrophares, démonstration de force) nous sommant de rentrer chez nous. Accomplir le minimum d’activités quotidiennes est un danger pour la santé publique. En Italie, ils disent déjà qu’il est surprenant à quel point nous oublions vite : ce qui veut dire parler avec un inconnu, toucher quelqu’un, faire face à un moment inattendu au milieu de la bruine grise de la capitale. Les camps de travail et les temples de la consommation sont ouverts, mais les rayons sont presques vides. Nous avons une responsabilité sociale, disent-ils. Le système de santé ne peut y faire face et c’est nous qui devons le sauver. Est-ce que quelqu’un a parlé du financement ?
Un ennemi invisible. Le genre de films-catastrophes. La cause n’est pas importante, si ce n’est qu’ une grippe en fin de compte, mais la réponse est cruciale. Nous ne mesurons pas le nombre de morts mais les capacités du pouvoir. La grippe porcine et le SRAS n’ont pas réussi à conquérir le monde, mais cette fois ils y sont parvenus. Tout ce qui a précédé a été un simple prototype du produit final: une terreur parfaitement intangible qui exige notre soumission totale. C’est comme si la série The Handmaid’s tale, avec son succès controversé, était une répétition avant l’acte principal.
Les vagues de migrant-e-s continueront à se heurter aux côtes européennes encore plus hostiles. Le confinement isolé du monde devient l’état permanent des prisonniers. Les entreprises de sécurité nettoient en silence après les fonctions matinales, tandis que nous sommes distraits dans la salle principale. L’interaction physique se réduit à un soupçon orwellien, alors que le spectre de l’émotion humaine s’exprime par la sélection d’emojis pré-définis sur Whatsapp. Facebook rigole à l’heure où l’histoire s’écrit au travers d’Instagram avec tous nos rendez-vous rebelles.
Nous avons déjà trop parlé de la portée supposée et de la gravité du COVID-19. Ce qui est important maintenant, c’est d’analyser qui en tirera profit et qui en paiera le prix. Le système économique capitaliste repose sur l’investissement, mais cette fois il meurt de faim et est prêt à craquer. Nous devons penser où nous serons, quand tout cela sera terminé, quand nos glorieux bienfaiteurs nous aurons sauvés d’une ruine assurée et que nous accueillerons une fois de plus à bras ouverts une économie à bout de souffle qui nous pourrissait la vie avant “la pandémie”.
CONTRE LA QUARANTAINE
CONTRE L’ÉTAT ET LE CAPITAL
[Traduction de l’espagnol, 20.03.2020]