Toulouse, France : Récapitulatif au sujet de la répression de la révolte et communiqué des prisonniers de Seysses

  1.  Suite des comparutions devant le tribunal pour les émeutes nocturnes dans plusieurs quartiers de Toulouse (colère partie de la prison de Seysses).
  2. Communiqué de prisonniers enfermés à la prison de Seysses : Encore un mort au mitard

13 personnes devaient être jugées en comparution immédiate vendredi 20 avril 2018 à Toulouse, après les nuits d’émeutes qui ont éclaté après la mort d’un détenu à Seysses. 7 des 13 prévenus ont demandé le report de leurs procès, afin de parfaire leur défense. Quatre d’entre eux sont (notamment) poursuivis pour violences commises en réunion. Leurs audiences se tiendront donc au mois de mai.

Deux autres personnes – un homme de 38 ans et une femme de 24 ans – ont été relaxées pour leur participation aux émeutes. Ces deux personnes, que les journaflics d’Actu Côté Toulouse qualifient de « membres de l’ultra-gauche toulousaine » participent à la lutte en cours à l’Université du Mirail. Les deux ont été relaxées pour le chef de « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destruction ou dégradations de biens ». En revanche, ils ont été condamnés à un mois de prison avec sursis pour « refus de se soumettre au prélèvement biologique » destiné à l’inscription au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). La jeune femme, étudiante au Mirail, a également écopé de 500 euros d’amende pour « avoir fourni une identité imaginaire » aux policiers. Deux autres personnes, qui avaient été interpellées en même temps, accusées elles-aussi de faire partie de « la mouvance d’ultra-gauche » et de « s’être faufilés parmi les émeutiers« , ont vu leur audience reportée à une date ultérieure. Deux hommes de 18 et 19 ans ont également été condamnés à des peines de six mois de prison ferme (sans mandat de dépôt) pour « violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique ».

Un homme de 24 ans, interpellé en possession d’un laser, est lui accusé d’avoir ébloui le pilote de l’hélico de la gendarmerie qui survolait la zone: il a été condamné à trois mois de prison avec sursis, 210 heures de travaux d’intérêt général, et un stage de citoyenneté.

Enfin, un sans-papier Tunisien vivant en Espagne, interpellé dans les coursives d’un immeuble, a été relaxé pour le chef  de « participation aux émeutes » mais condamné à deux mois de prison avec sursis et interdiction de territoire français pendant trois ans.

Pour rappel, un émeutier de 18 ans (casier vierge) avait écopé mercredi 18 avril de six mois de prison, dont trois mois ferme, sans mandat de dépôt pour avoir des pierres sur une voiture de police.


Communiqué de prisonniers enfermés à la prison de Seysses : Encore un mort au mitard

Maison d’Arrêt de Seysses, le 19 avril 2018.

J. avait 26 ans. Samedi dernier, il était au mitard, dans une « cellule disciplinaire » de la prison de Seysses. Il y est mort. Les médias relaient une version des faits, une seule : celle des matons, les « surveillants ». Mais nous, on y vit, dans cette prison. Et on n’est ni sourds, ni aveugles. On sait que sa mort a été provoquée par la violence des matons affectés au mitard. Non, J. ne s’est pas suicidé.

Si plus d’une centaine de prisonniers ont refusé de remonter en cellule plusieurs jours de suite cette semaine, c’est parce que c’est tout ce qu’on peut faire pour protester, ici. J. est mort au mitard, et l’autopsie aurait conclu à un suicide. Mais on sait que ce n’est pas le cas, car il y a des témoins qui étaient présents dans les cellules environnantes lors de son passage à tabac, qui ont tout entendu, qui ont assisté à tout ça. C’est suite à un déferlement de coups que J. est mort samedi. Pensez-vous que nous serions 200 prisonniers à refuser de remonter en cellule et à déployer une banderole dans la cour de promenade si nous n’étions pas convaincus de leurs mensonges ?

Tous ceux qui sont passés par le quartier disciplinaire pourront témoigner des humiliations qu’ils y ont subi, des insultes racistes, des crachats à la figure, des ordres donnés comme si on était moins que des chiens… Là-bas, celui qui a le malheur de « la ramener » peut finir comme J. : pendu. Aucun droit n’est respecté dans ce mitard. Les promenades ont lieu au bon vouloir des surveillants, et en général il n’y en a pas. L’accès au douches nous y est refusé, et il peut se passer quinze jours sans qu’on puisse y aller. Pareil pour l’accès au feu, pour allumer une cigarette : c’est maximum trois fois par jour et ils usent de beaucoup de zèle, il faut presque les supplier. La peur y règne, et y aller est pour chacun d’entre nous, prisonniers, une vraie descente aux enfers.

Cet hiver, plusieurs prisonniers se sont retrouvés dans ce mitard sans matelas, sans couverture et sans vêtements, alors qu’il faisait moins cinq degrés. Juste parce qu’ils avaient tapé sur la grille de leur cellule pour réclamer à manger ou avoir du feu. Ils ont dû dormir par terre, nus, sur un coussin, et manger « la gamelle » dans des barquettes qui arrivaient ouvertes, apparemment déjà utilisées.

J. a été battu par cinq ou six surveillants, pendant plus d’une demi-heure. Puis il y a eu un grand silence, et les surveillants se sont mis à discuter entre eux, à estimer son poids et sa taille pour s’accorder sur une version des faits. Puis ça a été l’heure de la gamelle et, quand sa cellule a été rouverte, ils ont fait mine de le découvrir pendu. Alors le Samu est intervenu et a tenté de le réanimer, en vain. Le lendemain, ils ont libéré tout le monde du mitard et personne n’a été entendu, même pas le chef ni les gendarmes. Ça montre bien qu’ils ont des choses à cacher, qu’on ne vienne pas nous dire le contraire.

Certains d’entre nous (sur)vivent dans cette prison de Seysses depuis plusieurs années, ou y font beaucoup d’allers-retours. Cette situation n’est pas nouvelle, et d’autres « morts suspectes » ont eu lieu ici ces dernières années. Nous avons vite compris que notre parole ne valait rien face à la leur, mais nous savons aussi que beaucoup dehors s’interrogent ou ont déjà compris leur petite mascarade. Qui tue.

C’est très difficile pour nous de donner des preuves de ce qu’on avance. Ici, nous sommes enfermés, et chaque information qui arrive dehors risque d’avoir de graves conséquences pour nous. Pourtant il faut que ça se sache, car nous sommes en danger de mort. Les surveillants jouent avec nos vies dans ce quartier disciplinaire.

C’est plus que de l’humiliation ; ils nous terrorisent, et ce qui est arrivé à J. pourrait arriver à chacun d’entre nous.

Nous dénonçons aussi les pressions qui sont faites sur les prisonniers qui ont assisté aux faits. Les témoins malgré eux de ce qui s’est passé samedi dernier subissent des pression psychologiques et sont très clairement menacés de transfert. Tout semble mis en place pour les pousser à bout. Ainsi, cinq d’entre nous ont déjà été transférés suite au blocage de la promenade et sont désormais à Lille, Bordeaux, Sedequin… Considérés comme « meneurs », on ne les a même pas laissé embarquer leurs affaires personnelles. C’est comme ça que la prison est tenue maintenant, en nous menaçant d’un « transfert disciplinaire » qui nous éloignerait encore plus de familles et de nos proches.

Nous exigeons que la direction de la Maison d’Arrêt remplace immédiatement cette équipe de surveillants, il est évident que c’est la première chose à faire. La petite équipe sadique de matons du mitard, nous, prisonniers, la surnommons « l’escadron de la mort ».

Ici, on est spectateurs du désespoir humain, et on sait tous que J. pourrait être n’importe lequel d’entre nous. Il a été battu à mort parce qu’il tapait dans une porte : il n’en pouvait plus d’attendre, coincé dans la « salle d’attente » de la prison, sans fenêtre. Il voulait juste regagner sa cellule. Ils sont venus et l’ont plié.

On ne soigne pas le mal par le pire. Nous voulons que tout cela cesse.
Que celui qui est condamné à aller au mitard puisse au moins conserver sa dignité et que ses droits fondamentaux soient respectés.

Nous voulons que la vérité soit faite sur la mort de J. et qu’une telle horreur ne puisse plus se reproduire, ni ici, ni ailleurs.
Nous nous associons à la douleur de la famille et sommes prêts à témoigner si elle le désire.

Des prisonniers de la M.A. de Seysses

[Publié sur iaata.info]

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