Sans doute. Quand la réalité se révèle insupportable, se battre contre cette réalité, être irréalistes, est l’instinct de celui qui se bat pour la liberté. Plutôt que de se plier aux possibles qu’offre ce monde, de choisir démocratiquement entre une vie enchaînée au smartphone, l’abrutissement du samedi soir, l’anesthésie sensible pour ne pas voir la cruauté d’un système qui ravage la planète et massacre à tout va, nous penchons librement pour une révolte, pour une révolte contre le destin qui est imposé à l’humanité, pour une révolte malgré tout ce qui essaye de nous en décourager.
Que nous soyons moins armés que le système qu’on veut détruire, que nos cœurs se remplissent de chagrin pour chaque être humain sacrifié sur l’autel d’un pouvoir (qu’il soit capitaliste, démocratique, islamique, socialiste), pour chaque forêt rasée et chaque montagne creusée, pour chaque vie perdue derrière les barreaux, entre les rayons d’un supermarché ou devant les écrans de l’aliénation, que nous soyons peut-être peu, ne saurait miner ce sur quoi nous basons notre révolte : le désir de la liberté, la conviction individuelle, le choix de mettre nos vies en jeu plutôt que de subir encore le jeu meurtrier de l’État et du Capital. « Il sera toujours temps de claquer la porte ; autant se révolter et jouer ».
[Tiré de Fawda , feuille de critique anarchiste, n°1 (Bruxelles), été 2017]