« C’est la canaille ? Eh bien j’en suis »,
vieille chanson révolutionnaire.révolutionnaire
Depuis un mois, un vent de colère souffle en Métropole, mais aussi en Belgique et à La Réunion. Gilets jaunes, lycéens et lycéennes, et autres révolté-es ont redonné de la force aux exploité-es en bloquant les flux, en fermant les centres commerciaux, en détruisant un peu du monde qui nous broie chaque jour, en affrontant les forces de l’ordre, et en refusant majoritairement les chefs et autres porte-paroles. Pour la première fois depuis très longtemps – trop longtemps – les dirigeants et dirigeantes ont reculé et lâché quelques miettes. Maintenant que nous avons repris confiance en notre force, il nous faut continuer et enfoncer le clou.
Longtemps, nous sommes quelqu’un-e-s à être resté-e-s sur la réserve au début de ce mouvement. Et nous le sommes parfois encore. Si tout mouvement comporte des contradictions, celui-ci en charrie des irréconciliables.
Dans des tas d’endroits, on a vu la présence de l’extrême-droite être tolérée, alors qu’en plus d’être raciste, elle s’est toujours alliée au Capital et aux pouvoirs. Sur les barrages nous avons vu également des exploité-e-s et des patron-ne-s main dans la main comme si nous partagions les mêmes intérêts. Nous avons vu des drapeaux tricolores et entendu chanter la Marseillaise, comme si nous devions défendre la Nation, celle-là-même qui exclut, exploite, pille et assassine ici et également à travers le monde. Et ça nous a bien fait chier que des »lascars » se fassent jeter du rond-point d’Ifs le 17 novembre.
En même temps, le refus des porte-paroles et des organisations politiques et syndicales, la détermination et les pratiques de blocage de l’économie, le fait pour une part du mouvement d’assumer des actions illégales, ou encore le refus des conditions de survie et de précarité dans lequel le capitalisme nous maintient, raisonnent avec nos aspirations de longue date. C’est sur ces bases que nous nous associons à ce mouvement, tout en assumant de combattre ses aspects les plus merdiques.
Les discours sur les « casseurs » et « pilleurs » participent d’une fiction policière visant à rompre les solidarités entre les révolté-es. Les « casseurs » sont des gens révoltés, qui ont souvent une certaine expérience de la répression sous toutes ses formes et ont conscience que la lutte est un combat. La violence quotidienne du capitalisme et de l’Etat est bien plus forte que toutes les violences qui ont eu lieu pendant ce mouvement. Il y a bien plus de violence dans la marchandise abritée derrière une vitrine, que dans le fait de la briser : de l’exploitation et de la violence nécessaires à sa production, jusqu’au monde qu’il a fallu bâtir et qu’il faut maintenir pour qu’elles continuent d’exister. D’ailleurs, les médias parlent beaucoup des « casseurs », mais rarement de la répression des flics et des juges, qui protègent cet ordre injuste et inégalitaire. Maintenir l’ordre, c’est maintenir le monde tel qu’il est. A Caen comme ailleurs, il y a déjà eu de nombreux blessés, dont un par un tir de flashball au visage. Il y a déjà eu de nombreuses interpellations et des gens qui croupissent en taule. Nous tenterons pour notre part de marquer notre solidarité et nous espérons ne pas être seul-es.
Emeutes et pillages sont des outils de lutte tout à fait légitimes, au même titre que les blocages économiques. Il nous faudra bien assumer la violence nécessaire, comme dans toutes les luttes qui ont fragilisé un tant soit peu l’ordre existant. Et c’est bien en partie parce que le tiroir caisse a été touché que le gouvernement a commencé à lâcher quelques miettes. On ne fait pas tomber un système de plusieurs siècles à coups de référendums ou de manifs… Un référendum ne pèse de toute façon pas lourd face à un pavé !
Le racisme et les nations servent à diviser les pauvres pour qu’ils et elles se fassent la guerre entre elles et eux, au profit des fractions dirigeantes. Il en a toujours été ainsi. Ce n’est pas en achetant français qu’on stoppe l’exploitation. Comme si le patron qui n’exporte pas ne profitait pas, lui aussi, du travail des autres. Le nationalisme, c’est ce qui veut faire croire qu’il y aurait des intérêts communs à tout le monde, pauvres et précaires comme riches et dirigeant-es. La société n’est pas homogène. Nous avons plus en commun avec n’importe quel-le révolté-e ici ou à l’autre bout de la planète, quelle que soit sa couleur de peau, qu’avec n’importe quel-le patron-ne ou gouvernant-e.
Les soudanais exilés qui essaient de rejoindre l’Angleterre ont par exemple fui leur pays, pour la plupart, après s’être révoltés comme nous le faisons nous-mêmes aujourd’hui ici. Fuyant une dictature, ils sont comme nous – et bien davantage que nous – des exploités, devenus superflus pour le système économique mondial. Ce ne sont pas des ennemis. C’est tout l’inverse.
Il existe d’autres stratégies de division et d’illusions à se défaire pour monter d’un cran dans la lutte. C’est le cas non seulement des discours patriotards et des dissociations avec les révolté-es les plus déterminé-es, mais aussi de certains propos autour des profiteurs et profiteuses du chômage et des minimas sociaux. On ne profite pas de grand-chose avec 400 balles de RSA. Il n’y a de toute façon pas de travail pour tout le monde, à un moment où même les cadres se font remplacer par des robots. Et qui se satisfait de sa condition de travailleur ou travailleuse, brisé par les nouvelles formes de management, dépouillé de sa vie et de ses réels désirs, condamné à bosser pour se payer une voiture qu’il faut bien avoir pour aller bosser, et ainsi de suite. Il nous faut nous libérer des chaînes du travail.
De la même manière, il n’y a pas de solutions politiques à la colère sociale. La 6ème République, les référendums citoyens, le Parti des gilets jaunes, etc., sont des illusions pour maintenir à terme le même ordre social. La rentrée opportuniste des directions syndicales n’est d’ailleurs pas une bonne nouvelle. Les mêmes qui nous ont baladées de manifs en manifs depuis des années sont d’ores et déjà en train de négocier à notre place. Ce que ces bureaucrates visent, c’est pour eux le maintien de leur propre pouvoir, et pour nous le maintien de la galère. La solution est dans la rue, par l’auto-organisation au sein de groupes affinitaires ou dans des assemblées regroupant les gens en lutte dans nos boîtes, nos bahuts, nos quartiers et nos villages. Elire des députés « citoyens », c’est mettre en place une nouvelle caste politique qui ne tardera pas à devenir aussi corrompue que la précédente. Le pouvoir corrompt. C’est pourquoi ce qui doit être visé est une société sans dirigeants ni dirigés.
Nous proposons un moment de rencontre et d’auto-organisation à partir de ces constats au local Apache, 35
boulevard Poincaré à Caen, jeudi 20 décembre à 18h.
localapache[at]riseup.net ; localapachecaen.wordpress.com
Des canailles du mouvement.
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