Quand on pense à la machine à juger, outre les bâtiments à raser au sol, les humains qui viennent spontanément en tête sont plutôt les procureurs, les juges, les greffiers, les experts, les traducteurs, les spécialistes universitaires du droit, les journalistes ou les politiciens qui défendent la machine à juger et punir etc… mais les avocats ? Ben non, eux ils défendent les gens ? Tu veux dire quand ils n’enfoncent pas leur client, ou quand ils n’enfoncent pas un autre prévenu pour sauver le leur, ou quand ils n’invoquent pas la supériorité d’un droit face à un autre, ou quand ils n’invoquent pas l’innocence pour mieux blâmer les illégalismes, ou quand ils ne te défendent pas correctement juste en fonction de combien tu les paies etc. ?
Il y a quelques jours, on a appris une nouvelle étonnante (ignorants que nous sommes). Dans la bonne ville de Châlons-en-Champagne (Marne), on manque de juges professionnels depuis des mois (faute de remplacements), trois sur quinze précisément. Ce qui provoque des reports d’audiences à la chaîne. Une bonne occasion, pensez-vous, pour que les avocats exigent des relaxes par principe, des remises en liberté des incarcérés en préventive, ou tout simplement des annulations de procès faute de respect de « délais
raisonnables ». Que nenni ! C’est oublier que les avocats font aussi entièrement partie de la machine à condamner, et qu’ils croient dur comme fer en la justice, ou en tout cas au « droit » d’être jugé (sic).
C’est ainsi qu’à Châlons-en-Champagne, ils ont dépoussiéré l’article L212-4 du code de l’organisation judiciaire, qui prévoit que les avocats peuvent être appelés à suppléer les juges pour compléter le tribunal de grande instance lors des audiences collégiales tant que les magistrats professionnels restent majoritaires dans la formation de jugement. Et comme « une peine prononcée des mois après les faits n’a plus de sens », selon Me Simon Couvreur, bâtonnier de Châlons-en-Champagne (sa tronche ci-contre, NdSAD), il a organisé un planning d’avocats volontaires pour se glisser dans la robe d’un magistrat. Quinze avocats se sont ainsi portés volontaires et sans rémunération pour faire les juges sur onze audiences au total, du le 4 avril et le 11 juillet.
La prochaine fois que tu croises un avocat, n’oublie jamais qu’il peut aussi être juge… dans la forme comme dans le fond.
[Reformulé de la presse, 23.05.2018]