Saboter l’énergie. La lutte contre la construction du gazoduc TAP dans le Salento (2013-2018), ed. Sans Patrie, mars 2018, 54 p., A5
Introduction :
La question énergétique fait assurément partie aujourd’hui comme hier des points sensibles de la domination. Après la récupération dans les années 80 des luttes antinucléaires en France et en Allemagne (mais aussi en Suisse et en Italie) pour les dissoudre dans un nouveau capitalisme vert qui dissémine champs d’éoliennes et de panneaux solaires, tout en ayant conservé par ailleurs centrales à charbon ou nucléaires, il est temps de réinterroger à quoi sert toute cette énergie, et quel modèle de société elle sous-tend.
Si nous avons souhaité traduire une vingtaine de textes autour de la lutte contre le gazoduc TAP dans le Sud de l’Italie, c’est donc à la fois parce qu’il nous semble important de défendre sa dimension internationaliste (Ni ici ni ailleurs!), mais aussi parce qu’une partie des compagnon.ne.s qui y participe sur place porte un contenu offensif et des modes d’auto-organisation qui pourraient bien nous inspirer à Bure comme à Notre-Dame-des-Landes. Bien loin de la composition politique, du localisme et de sa défense d’un environnement trop chouette, ou encore du citoyennisme indigné contre les « projets inutiles », ils ont en effet élaboré au fil du temps des réflexions et des propositions qui entendent d’un côté approfondir cette lutte partielle vers une critique en soi de l’énergie (son usage, ses faux-besoins et ses structures), et d’un autre expérimenter des méthodes d’auto-organisation vers une conflictualité permanente avec un existant mortifère.
Une lutte de ce type n’est bien entendu jamais homogène, et comporte aussi des moments de conflit plus intenses que d’autres. Au printemps 2017, c’est la transplantation de 200 oliviers hors de la zone de chantier qui a déchaîné les passions, avec blocages de route, confrontations avec la flicaille, et même quelques attaques incendiaires. Ce fut aussi l’occasion rêvée pour les politiciens en tout genre d’accourir de partout pour tenter de récupérer ou de ré-encadrer vers des rails institutionnels une révolte qui prenait parfois des accents de rage plus incontrôlables et plus spontanés. Depuis, la zone a été décrétée rouge par le pouvoir avec tout ce qui s’en suit (occupation policière, contrôle du village de Melendugno, répression plus large), et la lutte est redevenue un peu plus atone.
Alors que le chantier du dernier tronçon dans les Pouilles n’en est qu’à ses débuts et que le projet est toujours en cours ailleurs (Grèce, Albanie), il reste beaucoup à faire pour mettre fin à cette nuisance. Comme l’ont encore écrit récemment quelques compagnons sur place, « en 2017 les travaux du TAP ont continué d’avancer sans que cette détermination initiale redevienne incisive, mais rien n’est encore perdu. Serons-nous encore capable de laisser derrière nous la politique et les bulletins d’adhésion ? Serons-nous encore capables de nous y opposer concrètement et avec courage ? Serons-nous encore capables d’inverser la roue ? Essayer est le minimum qu’on puisse faire. »
Cette petite brochure est donc aussi une proposition. Pour élargir la lutte contre le TAP au-delà des frontières, et offrir à d’autres encore la possibilité de contribuer à inverser la roue.
Des sans patrie
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