Le 18 octobre 2017 à Berlin a eu lieu le procès contre notre ami et compagnon Nero au tribunal de Moabit. On l’accuse d’avoir aveuglé un hélicoptère de la police avec un laser. Le soir-même, un concert a eu lieu à la Rigaer strasse, ce qui a conduit à des affrontements dans la rue. Nero a été arrêté dans la partie sud du quartier de Friedrichshain, frappé au commissariat et relâché le lendemain matin. Un mois plus tard, des flics en civil l’ont attendu sur son lieu de travail et l’ont arrêté à son arrivée. Depuis lors, cela fait trois mois qu’il est en détention provisoire à la prison de Moabit. Quelques flics en uniforme étaient déjà positionnés devant le tribunal et des flics en civil rôdaient dans le quartier pour harceler les personnes venues en soutien. Journalistes et flics venus témoigner au procès se sont réunis devant la salle du tribunal. Le procès était censé débuter à 9h20, mais il a fallu plus d’une heure pour que la presse et les personnes solidaires [1] puissent entrer dans la salle.
Après avoir lu les accusations, le juge a déclaré qu’un accord avait été conclu, stipulant que la peine n’irait pas au-delà de 2 mois de prison si l’accusé reconnaissait les faits. Les aveux comprenait le fait de reconnaître l’aveuglement de l’hélico des flics dans le but de soutenir les émeutes dans la Rigaer Str. Ceci est un crime et la peine encourue peut aller de 1 à 15 ans de prison. Par un simple „oui“ sous pression, la peine était fixé entre 16 et 20 mois.
Ensuite, le pilote de l’hélico a été appelé à la barre pour témoigner. Angelo Koepp n’est pourtant pas que pilote mais aussi un grand acteur. Visiblement, il a longuement préparé sa mise-en-scène afin de s’imaginer des scènes les plus dramatiques possibles et d’obtenir la plus lourde condamnation possible pour notre ami. Sans évoquer une seule source, il a parlé d’un collègue rendu invalide à long terme qui, après une attaque similaire, aurait toujours besoin d’aide pour lire. De plus, il a expliqué qu’habituellement les hélicoptères de la police ne sont pourvus que d’un pilote et d’un assistant qui, en cas d’urgence, serait dans l’incapacité de piloter l’engin. Mais comme le hasard fait bien les choses, deux pilotes se trouvaient à bord lors de toutes ces attaques au laser, rendant quasi improbable un éventuel crash. Angelo n’avait pas trop de mal à s’imaginer des scènes d’horreur en cas de crash de l’hélico en expliquant comment les 330 litres de kérosène à bord auraient pu créer une énorme boule de feu. Etrange qu’aucune boule de feu n’ait été visible lorsque deux hélicoptères sont entrés en collision au stade olympique, même s’il y avait bien plus de kérosène en jeu à ce moment-là. Cette boule de feu a très certainement pu être évité en raison du fait que le laser ait été dirigé à un des angles escarpés de l’hélicoptère. S’il avait été ciblé d’une plus grande distance, l’hélicoptère aurait du changer de direction. Les pilotes ont pourtant pu suivre Nero et retourner à la Rigaer Strasse après son arrestation. Avant le début de l’intervention, il avait été communiqué aux flics qu’ils devaient s’attendre à des attaques au laser. C’est bien l’endroit où l’hélicoptère des flics terrorise le quartier depuis des décennies, et pas seulement les squatteurs mais aussi tou.te.s les autres habitant.e.s du quartier qui en ont ras le bol de cette surveillance. A la fin, il a été demandé au témoin de parler du nombre d’intervention dans la Rigaer Str. mais il n’a pas été en capacité de répondre en raison du fait qui lui manquait l’autorisation pour témoigner.
Après qu’Angelo a terminé sa représentation théâtrale, il s’est assis parmi les personnes solidaires irritées pour suivre la suite du procès. Après cela, tout le monde était d’accord sur le fait qu’il n’était pas nécessaire d’entendre d’autres témoins. Un ami a justement été entendu pour affirmer que Nero habitait chez lui et n’était absolument pas sans-abri mais une personne parmi tant d’autres dans cette ville qui galère à trouver un logement et qui, en tant que travailleur, passe une bonne partie de son temps (plusieurs jours par semaine) à galérer dans les files d’attente devant les „Bezirksämter“ [2] afin de notifier ses changements d’adresse. Mis à part les questions sans intérêt venant de l’assesseur, il n’y a rien eu d’autre à dire et les juges se sont retirés jusqu’au délibéré à 11h30.
Lorsque les portes de la salle 101 se sont rouvertes, tous les flics venus témoigner étaient assis sur les places des personnes solidaires, bien que ce ne soit plus nécessaire. C’était les trois flics qui étaient dans l’hélico (le vieux avec le maillot vert, sa fonction?) et M. Habedank, enquêteur en chef de la LKA 5, qui ne s’est pas privé de montrer certaines personnes solidaires afin de leur faire savoir qu’il les connaissait parfaitement. Tous étaient excités de joie et tendu au moment du jugement.
Lors du rendu, le juge ne s’est visiblement pas privé de tenir un discours moralisateur interminable en direction du public et d’inclure dans son jugement tous les scénarios d’horreur interprété par le pilote à la barre du tribunal. Il a exprimé son accord avec les réquisitions du procureur, à savoir une peine de 18 mois de prison qu’il estime indispensable, sans liberté conditionnelle, puisque cela permettrait à Nero de continuer à „lutter contre la police“. Espérons qu’il puisse la mener avec autant de succès de l’intérieur, comme il l’a fait lorsqu’il était dehors. Le juge a finalement refusé de libérer Nero pour un certain temps avant que sa peine ne débute. Un long rapport a également précédé le jugement. Puisque notre ami n’a montré aucun regret pour son geste, celui-ci a été vu comme un risque de réitération et le fait qui lui manque un contrat de location, sans prendre en considération la situation actuelle du marché du logement à Berlin, a été classé comme un motif pour prendre la fuite. Donc notre ami est et restera en prison.
Faisons sauter les prisons, les palais et les flics !
Reçu le 9 novembre 2017
[Traduit de l’allemand de contrainfo, 10.11.2017]
NdT :
[1] A « visiteur-euse-s » nous avons préféré l’emploi de « personnes solidaires » pour des simplifications grammaticales mais également parce qu’à chaque fois il est question des personnes venues en soutien du compagnon Nero.
[2] Le « Bezirksamt“ est une autorité administrative présente dans chaque quartier. Berlin en compte 12. Elle est soumise à l’autorité du sénat, qui est l’institution qui administre la ville.