Récit de l’audience du 3 novembre du compagnon parisien incarcéré à Hambourg
Voici un compte-rendu de la dernière audience du compagnon parisien qui a eu lieu le 3 novembre dernier. Accusé de violence aggravée contre personne dépositaire de l’autorité publique pendant la contestation du G20, il était incarcéré depuis le 7 juillet à la prison de Billwerder à Hambourg.
Dès le petit matin nous avions su qu’à la prison, ils n’étaient pas du tout au courant qu’il devait avoir une audience ce jour et que donc ce n’était absolument pas prévu qu’il soit extrait. En effet, les avocats n’avaient pas non plus reçu de convoc’ et que tous, nous savions que c’était bien ce jour puisque cela avait été décidé lors de la précédente audience, mais depuis rien d’officiel n’était venu appuyer cette date. Cela avait déjà mal commencé pour la juge, puisque sa crédibilité avait déjà été ébranlée, notamment à la précédente audience où sa « partialité » avait été mise en cause, argument soulevé par les avocats essayant ainsi de faire glisser l’affaire sur un terrain politique, où il s’agissait de démontrer que la juge, avant même le début des débats, était déjà acquise au parquet. Non pas que nous pensions qu’il puisse exister de bons juges, mais disons qu’avec des erreurs techniques de ce genre, de débutant dépassé pourrait-on dire, cela n’a pas contribué à arranger son cas quant à sa capacité à mener le jugement de cette affaire très médiatisée.
La juge a donc reporté l’audience à deux heures plus tard, le temps d’envoyer une convoc’ à la prison pour que la personne soit extraite. Dans la mesure où les autres prévenus de la prison qui avaient des audiences, avaient déjà tous été amenés tôt le matin dans le convoi ordinaire, le compagnon a été transporté en taxi avec les mains et les pieds menottés durant tout le trajet de la prison jusqu’au tribunal. Entre-temps, là-bas, de nombreuses personnes solidaires étaient arrivées, avec le même genre de composition que lors de la première audience, de Paris et de Hambourg, des ami-e-s et camarades, de sa connaissance ou non.
Vers 11h, l’audience s’est finalement ouverte sur le témoignage du policier chargé de l’analyse des vidéos. On apprend quasi instantanément que contrairement à ce qui avait été annoncé la dernière fois dans le but évident de semer la confusion, il n’y a aucune vidéo du fait reproché. Ils ont laissé planer le doute sur le fait qu’il pourrait s’agir d’une erreur dans les recherches de visionnage. Mais quoi qu’il en soit le policier admet avoir trouvé des vidéos où l’on verrait la personne avant et aussi après le fait contesté, mais aucune trace de l’acte en lui-même. Ce qui revient à dire que l’accusation repose donc uniquement sur la parole de deux policiers, sans aucune autre preuve tangible à l’appui. La non-existence de cette vidéo était à vrai dire assez prévisible, sinon rien n’explique le fait qu’ils ne l’aient pas versée au dossier directement pendant l’instruction qui était pourtant restée ouverte pendant deux mois. Malgré cela, le premier report avait été motivé notamment dans le but de trouver d’autres preuves, par exemple une vidéo, qui corroborent cette version des faits. Donc nous voici à la case départ avec un dossier qui n’a pas évolué et avec pourtant un mois de détention en plus dans les pattes.
Un dossier vide qui motive donc la demande d’un nouveau report d’audience. Les avocats font alors une demande de mise en liberté, qui a lieu par contre à huis-clos, avec comme principal argument la question du stress de la détention avec ces reports à répétition, argument qui semble avoir un certain poids dans le droit allemand. La juge, clairement mise dans la difficulté par la stratégie combative mise en place par les avocats et l’accusé, où il s’agit de la pousser sans cesse dans ses retranchements, laissant apparaître ainsi l’absurdité de la justice, sa part de hasard mais aussi sa part de bluff, accepte la libération contre une caution de dix mille euros (!!!), mais finalement on a presque l’impression qu’elle se libère elle-même de cette patate chaude dont elle ne sait absolument que faire !
En effet, le choix avait été fait dès cet été, lors des premières demandes de mise en liberté, de mettre sur ces affaires de l’anti-G20 de jeunes juges sans doute plus malléables ou en tout cas qui ne prendraient pas la responsabilité d’aller à l’encontre du parquet de peur de voir leur carrière s’arrêter sur le champ, comme pour compenser le vide des dossiers, aller rapidement à condamnation et ainsi rétablir l’honneur de l’Etat allemand souillé par des journées et des nuits de luttes. Mais ce choix a une contrepartie : nous avons affaire à des juges peu expérimentés qui commettent des erreurs techniques impardonnables et qui de toute évidence ont une certaine difficulté à garder la tête froide devant l’ampleur politique et médiatique. La balle est donc dans notre camp, à nous de maintenir le calme, d’être patients et déterminés pour faire en sorte que ce ne soit pas à quelques-uns de payer au prix fort de la répression de cette révolte qui a rassemblé des milliers et des milliers de personnes.
En ce qui concerne la caution, l’argent a été rassemblé dans l’heure par les différentes caisses de solidarité. C’est clair que pour qui est habitué à d’autres modalités, comme en France où la liberté sous caution n’est pratiquement jamais utilisée, cette somme apparaît d’autant plus délirante. Il faut aussi replacer les choses dans leur contexte, c’est une pratique courante en Allemagne, même s’il faut bien admettre qu’il s’agit d’un montant exorbitant, ils ont effectivement bien conscience qu’ainsi, ils pompent dans toutes les caisses de solidarité, une sorte de coup bas, de revanche mesquine, d’une manière ou d’une autre ils veulent nous faire payer ! Mais depuis plusieurs mois en Allemagne et dans toute l’Europe se tiennent d’innombrables initiatives de solidarité pour les prisonniers du G20 et l’argent disponible, récolté un peu partout montre bien l’ampleur de la solidarité comme une manière de continuer mais par d’autres moyens ce qui avait été initié durant ces journées de juillet.
Le procès continuera donc plus tard, a priori dans plusieurs mois, mais on ignore pour le moment la date. Il reste à ce jour quatorze personnes incarcérées entre prévenus et condamnés, entre Allemands et non-Allemands, et des centaines de personnes sous contrôle judiciaire qui passeront en procès dans les mois qui viennent. Le 7 novembre se tenaient deux audiences contre un Italien et un Russe, bien que les procédures soient différentes étant tous deux mineurs selon la législation allemande, elles se basent davantage sur le « profil » que sur les faits et on l’a vu, en général, au niveau des faits il n’y a pas grand chose dans les dossiers ! Ils ont eux aussi fait le choix d’une stratégie combative, poussant et acculant juges et policiers témoins dans leurs contradictions. Les procès se poursuivront encore la semaine prochaine, nous leur envoyons toute notre force, en espérant que cette première libération avec cette stratégie puisse ouvrir la voie.
On reste déter’ !!!
Solidarité avec les prisonniers du G20 !
Liberté pour tou-te-s !
Le compte-rendu de la première audience.
L’appel à la seconde audience.
[Publié sur indymedia nantes, samedi 11 novembre 2017]