Après avoir détaillé dans un premier temps le traçage humain par les flics en blouses blanches des Brigades Sanitaires, l’État est en train d’organiser son pendant numérique. Pour rappel, le traçage de masse à l’envers devrait définir les cas-contacts comme toute personne s’étant trouvée pendant 15 minutes à moins de deux mètres de distance d’un cas-positif dans les dernières 48 heures. Quelques mesures sont déjà en cours de développement.
Fichier passagers. Afin de faciliter les mises en isolement (des testés positifs) et en quarantaine (des testés négatifs) contraintes de toute personne arrivant sur le territoire dominé par l’État français, le fichage des passagers a été étendu. Il existait bien sûr déjà de telles banques de données inter-étatiques notamment pour les vols internationaux, alors pourquoi se priver de les étendre à n’importe quel mode de transport, de les communiquer à chaque préfecture et d’en faire un outil de contrôle et de surveillance pour que personne n’échappe à l’enfermement forcé ? Lors du vote de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire au Sénat le 5 mai, il a ainsi été décrété que « les entreprises de transport ferroviaire, maritime ou aérien communiquent au représentant de l’État dans le département qui en fait la demande les données de réservation concernant les déplacements».
Pouvoir recouper les fichiers de tests au covid-19 (nommés Sydep et Contact Covid) avec ceux des passagers, en voilà une idée, qui nous fait un peu mieux comprendre pourquoi l’État insiste tant à vouloir instaurer le principe de la réservation obligatoire sur l’ensemble des trains jusqu’à l’intérieur des frontières (Intercités et TER compris).
Précisons en complément sur la question des transports publics comme frontière intérieure permanente (ce qui était déjà le cas pour les migrants ou les mauvais payeurs par exemple), que les contrôleurs risquent d’être habilités à vérifier en plus du billet soit qu’on dispose d’une attestation employeur pour les prendre (Ile-de-France), vu que des horaires seront réservés aux seuls esclaves salariés, soit d’un justificatif de domicile pour la question des 100 km à ne pas dépasser. En plus du filtrage à l’entrée des gares et stations de métro, bien entendu.
L’appli StopCovid. Oublions un instant qu’elle risque encore de changer de nom et tous les débats techniques inutiles sur le système choisi, qui n’intéressent que les partisans de laisses plus courtes ou plus longues, en acier renforcé et centralisé plutôt qu’en lianes tressées et décentralisées. Le sous-fifre officiel chargé du numérique au sein du gouvernement, a annoncé sur BFM le 5 mai que cette appli d’auto-traçage pour smartphones entrait en phase de test en version beta, et serait disponible pour le 2 juin. Pour rappel, si quelqu’un avait l’envie de leur exprimer ses sentiments les moins distingués, l’équipe-projet StopCovid qui travaille pour l’État français sur l’application mobile de contact tracing est composée de : Inria (Institut national de recherche en information et en automatique), ANSSI, Capgemini, Dassault Systèmes, Inserm, Lunabee Studio, Orange, Santé Publique France et Withings.
Bracelets électroniques. Alors que le bracelet électronique de l’entreprise Rombit déjà testé sur les travailleurs du port d’Anvers semble promis à un bel avenir ici aussi, notamment dans les secteurs du BTP, de la logistique et de la pétrochimie qui sont en négociations avancées, le même sous-fifre chargé du numérique vient de l’évoquer pour les personnes âgées et tous les réfractaires. Il l’a mis noir sur blanc dans un article du 3 mai publié dans un magazine online pour geeks (Medium, tout un programme) : « L’équipe projet intègre depuis le début des spécialistes de l’accessibilité (personnes en situation de handicap ou peu habituées aux outils numériques). Pour ceux ne possédant pas de smartphone, une partie de l’équipe est dédié à essayer de trouver une autre solution — par exemple, un boitier ou un bracelet qui permettraient de se passer des téléphones. » Quelqu’un est-il encore étonné que le bracelet auparavant réservé aux prisonniers soit en train de s’étendre à d’autres catégories d’exclus qui auraient refusé pour des raisons diverses de s’équiper volontairement de laisses et autres mouchards électroniques nommés smartphones ? Il y a de moins en moins de doutes que nous survivons au sein d’une gigantesque prison à ciel ouvert.
Patrons innovants. Pour permettre à ses employés de revenir au bureau en toute confiance, le Directeur de la transformation digitale et IT (Serge Magdeleine) du groupe Crédit Agricole, a lancé l’application « Copass». Elle classe les employés selon leur niveau de risque de contamination, pour pouvoir personnaliser les mesures de sécurité. Pour les certifier avec un badge selon leur niveau de “sensibilité” face à la maladie, l’employé doit répondre à un questionnaire sur son âge, type d’hébergement etc. des données de santé (pathologies particulières …) et d’autres comme leur type de transport pour aller au travail. L’application génère en analysant les informations un profil de risque avec un code couleur, consultable à travers un QR code. L’employeur connaîtra uniquement l’identité et la couleur de ses collaborateurs. Selon le code couleur l’employé sera prié de rester en télétravail, de retourner sur site en horaire alterné, dans une unité réduite, encouragé à faire un test de dépistage… etc. Elle sera tout d’abord déployées dans cinq sociétés pilotes, pour observer comment ces entreprises réussiront à engager un dialogue social avec les représentants du personnel et modifier le règlement intérieur de l’entreprise, avant, selon ses créateurs, d’envisager qu’elle soit « rendue obligatoire à l’ensemble des salariés. »
[Synthèse établie par Démesure le 7/05/20 à partir de la presse quotidienne]