« La catastrophe dans laquelle se débattent les japonais n’est pas seulement un aperçu de ce qui nous attend partout ailleurs, c’est aussi le miroir grossissant de notre condition présente, celle de prisonniers d’un monde clos. »
Arkadi Filine, Oublier Fukushima
Comme à Fukushima il y a quelques années, la catastrophe se déploie, cette fois-ci sous la forme d’un virus et à l’échelle de la planète.
Comme là-bas, l’Etat fait ce qu’il sait faire : tri de qui doit vivre et mourir selon des critères abjects, mesures sécuritaires, confinement de la population et plans de sauvegarde de l’économie au profit des classes dirigeantes. Il paraît que « nous sommes en guerre »… C’est aussi et surtout une crise économique, annoncée, attendue et que l’épidémie n’a fait que précipiter, d’une bien plus grande ampleur que celle de 2008.
La planche à billets tourne déjà à plein (300 milliards en France, 500 milliards en Allemagne, 1800 milliards aux Etats-Unis, etc.). On sait à qui les classes dirigeantes essaieront de faire payer cette crise… Les plans d’austérité et les mesures renforçant l’exploitation se dessinent déjà. « Il y aura un avant et un après », préviennent les gouvernants et gouvernantes. Nous voilà prévenus.
Face à cet évènement soudain, exceptionnel, et même inédit pour beaucoup d’entre nous, c’est d’abord la sidération. Faire face en prenant soin des uns, des unes et des autres sans laisser le pire des mondes d’hier s’étendre par ceux et celles-là même qui n’ont eu de cesse de propager les désastres. Beaucoup sont pris dans des sentiments contradictoires, entre la crainte de voir des proches tomber, terrassés par la maladie, une certaine satisfaction de voir la mégamachine s’interrompre face à un simple virus, et la nécessité de continuer la lutte dans une situation de contrôle social se densifiant comme jamais et exacerbant les inégalités. C’est à partir de là qu’est venue la volonté d’écrire.
Ecrire, à la fois pour prendre de la distance et mieux appréhender ce qui nous arrive, mais aussi pour transmettre infos et analyses, pour ne pas rester seul. Le capitalisme et l’industrie peuvent bien ralentir; il n’en est pas question pour la révolte. La seule guerre à laquelle il est souhaitable de répondre est la guerre sociale, et non celle des généraux en uniforme ou en costume cravate. Après tout, la lutte et l’entraide ont bien des vertus thérapeutiques.
La crise dans laquelle nous sommes plongés a de multiples facettes.
C’est d’abord celle d’un monde absurde, cynique, inégalitaire et liberticide. Et par la même occasion ravageur pour tout ce qu’il y a de vivant. Elle crée une situation nouvelle, où peut-être risquer sa vie deviendra une réalité perceptible y compris sous nos latitudes. Peut-on seulement affirmer qu’on préfère continuer à vivre et à lutter au risque de sa santé plutôt que de s’isoler à ne rien faire pour peut-être y passer quand même ? Y avait-il une vie avant la mort?
Face à nous-mêmes, de nouvelles possibilités et de nouvelles déterminations peuvent se faire jour. Beaucoup remettent déjà en question le monde dans lequel cette épidémie a vu le jour. Certains et certaines en profitent pour fourbir leurs armes. Ce journal clôt une séquence, celle de l’appréhension d’une nouvelle situation. Place désormais à l’action. Sans attendre.
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