Ce mercredi, l’île est bloquée: commerces, écoles, collèges et lycées, administrations et transports publics sont à l’arrêt. Des dizaines de blocage continuent à paralyser l’économie. Le climat insurrectionnel sur l’île a poussé la Chambre du Commerce et de l’Industrie a demandé à l’Etat pour que le département soit reconnu « en état de catastrophe économique ».
Mercredi, une trentaine de barrage était toujours en place. Et même si les flics sont intervenus dans la matinée pour débloquer l’accès au SRPP, l’unique dépôt pétrolier de l’île, lede nombreuses stations-service ne sont plus approvisionnées, d’autres rationnées. A la mi-journée, des centaines de personnes s’affrontaient à la police et des magasins étaient pillés au Port. De son côté, et ce afin de calmer la situation, le pouvoir local a annoncé le gel des taxes sur les carburants pour les trois prochaines années. Peu de chance que les insurgés, jeunes ou moins jeunes, se contentent de quelques miettes accordées par l’Etat, alors même que c’est une révolte contre la misère qui est en train de gagner l’île.
Dans la nuit de mardi à mercredi, première nuit sous couvre-feu, saccages, pillages et affrontements ont fait rage, notamment au Chaudron: le magasin Score a été pris d’assaut. Si les flics sont parvenus à éviter qu’il soit entièrement pillé (mais pas endommagé), ils n’ont rien pu faire pour sauver les réserves à l’arrière du magasin, puisque les conteneurs ont été pillés. D’autres commerces auraient été vandalisés, notamment en bas de la Rivière. Entre 9 et 16 flics auraient été blessés lors des émeutes au Chaudron, d’après la presse: un flic a réussi (quel joli coup!) à faire exploser une de ses armes de guerre dans un fourgon, le blessant lui et ses collègues. « Une grenade a explosé accidentellement dans un véhicule de police. Un policier du GIPN a alors eu la main droite arrachée. Grièvement blessé, il a été transporté à l’hôpital de Bellepierre ».
Un important incendie a eu lieu au niveau du rond point du Sacré-Coeur au Port, près du centre commercial Jumbo. Le feu a pris vers 19h dans un chapiteau rempli de jouet de Noël, situé à l’extrémité du parking, du côté de la 4 voies, et à une cinquantaine de mètres des nouveaux magasins du Cap Sacré Coeur. Les panneaux photovoltaïques de la toiture du parking et deux grues ont brûlé.
Au Port toujours, un journaflic de Réunion La 1ère a été agressé et son matériel volé.
D’heure en heure, des renforts anti-émeutes affluent à la Réunion pour tenter de mater la révolte qui ne faiblit pas. Des gendarmes mobiles en provenance de Strasbourg devraient arriver à La Réunion ce mercredi.
Dimanche, c’est la concession Peugeot du Port qui a perdu 70 véhicules dans un incendie provoqué par des jets de cocktails molotov, pour un préjudice dépassant le million d’euros.
Lundi, les maires de Saint-Benoît et Saint-Louis ont reçu de la visite à leurs domiciles respectifs, qui ont été retournés et saccagés par des insurgés.
« Un des pilleurs du PromoCash de Sainte-Marie a été condamné, ce mardi, à deux ans de prison ferme en comparution immédiate. Deux jeunes inconnus de la justice et qui avaient des brûlés des poubelles ont eux écopé de cinq mois ferme. Une quinzaine de convocations devant le juge des enfants ont été délivrées ».
De leurs côtés, les artistes de l’île tentent de jouer les pompiers de service: « Dans une vidéo publiée sur les réseaux et partagés des milliers de fois, [ils] diffusent un message de paix [sociale]. Mickaël Pouvin, Nicole Dambreville, Maroni Bazin, Elodie Ayé, Vanille M’Doihoma ou encore Maya Kamaty réagissent à la crise sociale qui secoue La Réunion ».
Ce qui nous intéresse en voyant cette explosion sociale sur l’île, ce n’est bien sûr pas le mouvement des Gilets jaunes, avec leurs portes-paroles ou chefs auto-proclamés, qui sont sur le point de rédiger une liste de revendications spécifiques à LEUR mouvement, de rechercher le dialogue avec les autorités tout en se dissociant des actes de révolte contre la propriété des riches et de l’Etat, ainsi que les expropriations de marchandises. Nous y voyons plutôt la possibilité d’étendre le conflit dans une perspective insurrectionnelle, en intervenant directement dans cette guerre sociale selon nos propres modalités et temporalités. Il ne s’agit pas selon nous de converger pour autant avec les gilets jaunes sur leurs piquets de blocage et leurs barrages, mais de contribuer au désordre en cours, en cessant de critiquer et de rester spectateur des événements.
[Reformulé de la presse]