Mea culpa préliminaire. Vu la teneur de mon propos, on m’objectera sensément d’être inconséquent de publier sur internet. Je n’ignore pas cette cuisante contradiction mais, sauf à ne pas publier du tout, ne sais à ce jour comment la résoudre.
Confinement. Insupportable euphémisme dissimulant l’assignation à résidence de populations dociles, transformant les États en administrations pénitentiaires globales. Ce coronavirus est le faux désastre qui banalise celui, autrement plus effroyable, de l’arsenal médico-policier garant du contrôle et de la gestion de milliard de personnes captives. La plus grande démonstration totalitaire à l’échelle mondiale de ce 21ème siècle naissant. Partout les comportements sociaux sont recodés par toute une batterie d’injonctions hygiénistes normatives. D’inédites contraintes sociales disciplinent les corps, cérémonieusement appliquées par les citoyens actifs de leur auto-flicage par attestation de déplacement dérogatoire et assidus à la délation volontaire. J’entends souvent les psalmodies éhontées des imbéciles répétant leur confortable accommodement à l’enfermement domiciliaire. Ce qu’ils réalisent avec soulagement m’horripile profondément. Je ne crois pas exagéré de dire qu’une large partie des grégaires étaient déjà confinés bien avant l’épidémie. L’État d’urgence sanitaire, État d’exception à l’autorité hypertrophié, n’a fait que révéler tout en accélérant significativement, la numérisation des existences des cyber-citoyens. A la télé-surveillance, télé-conférence, télé-vision, télé-achat, télé-travail … s’ajoutent désormais le télé-procès, la télé-consultation ou la télé-scolarité. Essor inéluctable de la domestication digitale. Désincarnation aggravée des êtres humains mus en ectoplasmes dûment connectés. Des vies vides ritualisées par la virtualité. Désireux d’éprouver par mon corps, mes sens, une réalité exonérée de l’enfer numérique je pourrais allègrement me gausser de la métamorphose de tant de gens en nœuds informatiques. Hélas, je ne peux pas. Leur virtualité tue tangiblement ma réalité et celles d’une infinité d’êtres qui persistent, malgré tout, à survivre sur la terre.
Une semaine avant la fin du confinement décrété par les gouvernants, j’ai donc décidé d’attaquer le pylône de télécommunication de Chantemerle dans le Vercors.
En voici la narration allitérative. Bruissement dans les bras des buis de mon belvédère. En bas, dans les bourgs et bourgades, les boites à bruits balancent en boucle les boniments de bienveillants bureaucrates. Bénévolement barricadé dans son bercail, le bétail barbote dans ses branchements. Bigot bêtement berné par ses bergers en blouse blanche. Le but de mon baroud ? Bouleverser brièvement le battage en bousillant un des bunkers de Big Data Brother. Bouffée de bravoure face au bloc de béton bâti au bout d’un bois balafré de bitume. Je brave les barbelé de la barrière, bouteilles et briquet boutent le feu à la base. Je bondis dans ma barque derrière un buisson de bruyère, braque à bâbord, la boussole en bandoulière. Une brise bientôt me blottit dans une bande de brouillard, j’en bois en grand bol et me barre. En bas, dans les bourgs et bourgades les boites à bruit buguent et le bétail braille.
[Publié sur indymedia nantes, 13 mai 2020]