Tout ce que le mouvement des gilets jaunes compte de petits porte-paroles autoproclamés connus et pas encore grillée (de ceux avec qui Matthieu Burnel signe des pétitions), vient pour la première fois de signer un texte commun à l’unisson du ministère de l’Intérieur.
C’est un précédent qu’on ne peut que souligner. Avait-ce été le cas par exemple lors du saccage de l’arc de triomphe, de l’incendie du fouquet’s, des propos d’un antisémite tenus contre un philosophe réac, ou d’une banque en flammes avec les images spectaculaires d’une mère en pleurs habitant au dessus ? Non, ils n’étaient tombés dans aucun piège grossier tendu par un Etat friand d’anecdotes pour disqualifier ce mouvement de révolte. Cette fois c’est le cas, ils ont franchi le Rubicon. Et à quelle occasion, me direz-vous ?, eh bien à propos du « policiers suicidez-vous » lancé par une partie des manifestants place de la République à Paris samedi dernier (slogan qui était lui-même en réaction à celui lancé par une autre partie des manifestants, de « ne vous suicidez pas, rejoignez-nous »). Il est donc intéressant de voir que là est la limite sacrée de tout ce beau monde, ayant déclenchée un texte de distanciation de certaines pratiques ou slogans (une première), que c’est sur cette anecdote-là qu’ils ont choisi de mettre tout leur petit pouvoir dans la balance pour tenter de redresser la barre des « débordements » en cours.
Le nom des signataires : Priscillia ludosky, Laetitia Dewalle, Julie Castin, Élodie Crisias (95), Faouzy Lellouche, Benoit Le Cam (Chartres), Maxime Nicolle, Philippe Pascot, Nathanaël Ramphft (Lille), Éric Drouet, Juan Branco, François Boulo (Rouen), Hakim Lowe, Maxime Souque (Le vrai débat), Jérôme Rodrigues.
Voici le début de leur prose pourrie : » Nous dénonçons avec vigueur les propos invitant les policiers à se suicider, entendus très marginalement et pour la première fois lors de l’acte XXIII des Gilets Jaunes, après plus de cinq mois de mobilisation. Nous apportons notre soutien total aux familles des vingt-huit policiers et des deux gendarmes qui ont mis fin à leurs jours depuis le début de l’année. Notre solidarité et notre compassion vont aux fonctionnaires qui subissent, comme nous, au quotidien, les politiques de destruction du service public. Macron et son gouvernement, dont la légitimé ne tient plus qu’à un fil, au service d’une oligarchie qui spolie chaque jour un peu plus l’honnête travail des Français, instrumentalise sans vergogne des forces de l’ordre déjà mises à rude épreuve. »
On notera le « avec vigueur » de la dénonciation, le « total » du soutien et surtout le « compassion » & « solidarité » avec les flics éborgneurs et assassins. Ainsi que ce très pétaino-cégétiste « honnête travail des Français ». Le texte en entier, sorti dès le dimanche 21 avril alors que Castaner dénonçait une « ignominie » et qu’une enquête a été ouverte, est là : hxxps://www.facebook.com/lafamillejerome/posts/338038616854295
En découvrant cette prose, on ne peut que penser très fort aux compagnons qui proposent qu’une manière anarchiste de contribuer au mouvement de révolte serait par exemple de s’occuper de ses petits leaders et récupérateurs…
Heureusement, tout le monde ne partage pas cet abject sentiment de « solidarité » avec la flicaille, et certains tiennent même à le faire savoir. En témoignent ces tags contre la caserne de gendarmerie de Landivisiau (Finistère), dans la nuit de dimanche 21 au lundi 22 avril 2019 : « Flics suicidé à moitié pardonnés », « suicidez-vous », « la police vous protège sa crève les yeux », ACAB, (A) cerclé. Ou encore ce gilet jaune de 69 ans placé en garde à vue lundi soir à la gendarmerie de Caussade (Tarn-et-Garonne) pour avoir apposé sur sa camionnette le slogan « flic suicidé, à moitié pardonné ».