Depuis jeudi 7 février, des milliers de personnes manifestent contre la misère et la corruption à travers le pays, exigeant que le président Jovenel Moïse dégage. Des barricades sont érigées, des voitures incendiées et des entreprises attaquées, les magasins pillés. Ecoles et administrations restent fermées. Des affrontements avec les forces de l’ordre ont déjà fait 6 morts. Les habitants, notamment les plus pauvres, se révoltent face à l’inflation qui a dépassé la barre des 15%, la corruption et le gaspillage de l’aide au développement.
Ce mardi 12 février, de nouvelles émeutes ont éclaté à Port-au-Prince, se soldant par la mort d’un manifestant: « un jeune homme a été tué par balle à un carrefour proche du palais présidentiel. La police n’a fourni un bilan des pertes en vies humaines qu’après la première journée de mobilisation nationale de l’opposition, le 7 février : deux personnes avaient été tuées. Depuis, quatre autres morts par balle ont été recensés par les journalistes de l’Agence France-Presse« .
Le même jour, dans la petite ville d’Aquin sur la côte sud, des prisonniers ont saisi l’occasion du chaos général pour s’évader. 78 d’entre eux se sont faits la belle à la mi-journée. Les circonstances exactes de l’évasion ne sont pas encore déterminées. Selon les témoins, un rassemblement contre l’exécutif avait lieu devant le commissariat jouxtant l’établissement pénitentiaire.
Depuis le début de la révolte, le pouvoir exécutif reste mutique. Seul le secrétaire d’Etat à la communication a publié une note de presse en créole sur Twitter lundi matin. « Le gouvernement reconnaît le droit de toute personne à manifester et exprimer ses droits selon la loi mais piller des magasins, bloquer la rue, brûler des pneus, briser les vitres des voitures et jeter de l’huile sur la chaussée n’entre pas dans ce cadre », a écrit Eddy Jackson Alexis.
Lundi soir, les milieux d’affaires et du patronat ont déploré, via une note de presse, « une colère populaire légitime qui est malheureusement orientée à tort vers les entreprises qui créent des emplois » et souhaitent restaurer. Pour leur part, les évêques catholiques, en bons garants de l’ordre social en place, en appellent également « à la conscience citoyenne des différentes parties en vue d’une décision patriotique », selon leur note de presse publiée lundi soir.
Face à la situation insurrectionnelle en Haïti, Washington a ordonné mardi à tous les enfants du personnel diplomatique de l’ambassade des Etats-Unis de quitter le territoire. Dans son communiqué, le département d’Etat approuve également le départ du personnel non essentiel et des membres adultes des familles de personnel américain.
Dimanche le Core Group (composé de représentants des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Organisation des Etats américains ainsi que des ambassades d’Allemagne, du Brésil, du Canada, de la France, des Etats-Unis et de l’Espagne) a déploré « les pertes de vies humaines et les dégâts matériels occasionnés par les inacceptables actes de violences qui ont eu lieu en marge des rassemblements », dans un communiqué.
« Jovenel a fait du mal au pays, estime un manifestant. On meurt de faim, il n’y a pas d’hôpital, d’eau ou d’électricité. Les policiers nous tirent dessus. », a déclaré un insurgé.
La frustration populaire a été exacerbée par la publication, fin janvier, d’un rapport de la Cour supérieure des comptes sur la gestion calamiteuse et les possibles détournements des fonds prêtés depuis 2008 par le Venezuela à Haïti pour financer son développement. Une quinzaine d’anciens ministres et hauts fonctionnaires sont épinglés. De même qu’une entreprise dirigée à l’époque par Jovenel Moïse, identifiée comme bénéficiaire de fonds pour un projet de construction d’une route sans signature de contrat.
[Repris des agences de presse]