Argentine : A deux ans de l’assassinat du compagnon Santiago Maldonado et des exactions de l’Etat

A deux ans de l’assassinat du compagnon Santiago Maldonado (El lechuga, Brujo), mort dans les mains de la gendarmerie nationale, non seulement l’Etat a tué le compagnon, mais ses institutions poursuivent leurs crimes. Tout ce qui est exposé ici est ouvert au débat et à la reflexion. Salut!

Santiago a toujours été consient et conséquent avec ses idées, son esprit solidaire et combatif l’a amené à se solidariser avec une juste cause, telle que celle d’exiger la liberté des détenu-e-s dans la lutte pour la récupération de territoires ancestraux, comme c’est le cas du lonco Facundo Jones Huala de la communauté mapuche. C’est dans cette lutte que s’est déclenchée la chasse qui a causé la mort de notre compagnon (el lechuga). Jusqu’à maintenant, mille et une manoeuvres ont visé à le classer dans leurs archives, à clore le dossier en tant que simple noyade. Les politiciens et les médias, éternels défenseurs de la répression de la loi et de l’ordre, ainsi que de la propriété privée, ont conclu que s’il faut tuer pour protéger leurs privilèges, ils n’hésiteront pas à continuer à pointer du doigt, à enfermer et jusqu’à tuer pour leur tranquillité, leur bien-être et la patrie. C’est ainsi qu’ils pensent, c’est ainsi que se maintient un système de privilèges, et c’est ainsi qu’agissent les hommes et femmes d’Etat !

La critique et la lutte contre un gouvernement ne sert à rien si on aspire à occuper son fauteuil présidentiel, cela ne fait qu’annuler et étouffer la liberté à laquelle nous aspirons et nous voulons parvenir.

Lorsque s’est produite la disparition forcée, puis le corps planté dans l’eau par les chiens de garde de l’Etat démocratique, la rage s’est fait sentir et entendre de la part de compagnons de cette région comme de beaucoup d’autres du monde. Il y a eu de la répression et des arrestations, parce que c’était impossible à passer sous silence. Mais jusqu’au jour d’aujourd’hui, nous continuons à peindre les murs, à coller ses yeux sur chaque propriété, ce qui perturbe beaucoup la bourgeoisie argentine. Nous ne cessons de le rappeler, car il nous a laissé un enseignement, celui de lutter jusqu’à ce que tombe l’autorité. Il restera toujours dans nos esprits, toujours présent dans la lutte ! Et dans chaque coeur rebelle !!

Nous avons vu et vécu des milliers d’actes de terrorisme et de crimes d’Etat depuis l’assassinat de Santiago Maldonado et de Rafael Nahuel [1], je ne vais pas faire une liste des atrocités commises, ni des prix donnés par les chefs à leurs assassins. Comme nous le voyons, le capitalisme marche comme ça, les pouvoirs et les intérêts des bourreaux qui l’intègrent et le défendent ne se sont pas assouvis avec la soif de sang, de tirer et de buter, parce que c’est l’essence du pouvoir, de ceux qui chantent des hymnes et hissent des drapeaux.

Beaucoup de jeunes de cette région sont assassinés toutes les 21 heures par cette organisation criminelle que sont les institutions de la république Argentassassine.

Là où on prône le respect de l’autorité, l’obéissance et la fidélité à l’ordre établi … IL Y AURA TOUJOURS UN CRIME.

La véritable opposition à un gouvernement n’est pas de conquérir le pouvoir, mais de le détruire et quand nous parlons de le détruire, nous faisons référence au fait de détruire son essence, avec ce dont nous parlions auparavant, les privilèges. Cette manière d’affronter l’existence en cherchant à être au-dessus des autres ne fait que maintenir le même tissu social basé sur l’obéissance et l’autorité. L’unique chose à laquelle aspire la gauche et qui lui importe, c’est cela, la conquête du pouvoir, la révolution ne l’intéresse pas, et encore moins détruire le système de privilèges ; ils fantasment sur le fait que tout peut être humanisé et qu’ils sont capables de le faire et selon eux un fouet plus étroit et plus coloré causera moins de dégâts, c’est-à-dire qu’il ne fera pas aussi mal et fera moins souffrir que le précédent et qu’avec le temps ce fouet bienfaisant sera moins douloureux ; mais ils ne diront jamais rien et ne lèveront jamais le poing contre l’autorité et les dégâts qu’elle cause (dictature du prolétariat).

Cela nous procure beaucoup de rage de voir comment les partis politiques de tout poil s’approprient et s’accrochent au compagnon tombé, faisant leur sa lutte tout en sachant très bien que Santiago était

anarchiste. Non seulement ils ont dégradé et manipulé le contenu combatif que portait le compagnon, mais ils ont réduit sa personne et sa militance anarchiste à l’image d’un simple hippie artisan. Ils sont toujours là, à s’accrocher à un mort pour en faire un martyr et manipuler une lutte telle que celle du compagnon (la lutte contre le pouvoir et toute autorité), qui leur est étrangère mais qu’ils font leur, alors que ses aspirations étaient diamétralement opposées. C’est digne de sangsues comme de pestes religieuses acharnées par leurs propagandes électorales [2] qui, comme si cela ne suffisait pas, pointent en plus du doigt des compagnons anarchistes qu’ils accusent d’être des policiers et des infiltrés et qu’ils livrent aux forces de l’ordre, prétendant critiquer ces dernières tout en rêvant d’en faire partie.

Nous ne pouvons pas non plus comprendre l’attitude de son frère Sergio Maldonado, nous ne l’avons jamais entendu prendre la défense des compagnons anarchistes face à tant de mensonges des politicards et des journalistes et à tout le dispositif monté par les médias officiels et les opposants partidaires, avec lequel (ce sont des flics, des agents des services, des infiltrés,) ils tentent, d’une manière ou d’une autre, de discréditer et de réduire à néant la solidarité et la lutte basée sur l’auto-défense, sentiment et principe que le compagnon Santiago pratiquait, démontrant que … ce n’étaient pas que des mots ! On peut aussi citer la visite au pape francisco avec les messes et toutes les fanfaronades de cirque, de la merde!!! Tandis qu’en réalité Santiago avec ses idées sur Dieu, l’Eglise , le pouvoir, le gouvernement, l’Etat, la patrie etc. les combattait en paroles et en actes (SAINT BLASPHÈME cri de guerre de Santiago). Son frère a ignoré la chose la plus belle à laquelle il aspirait, la liberté et l’égalité pour toutes et tous, en combattant toute autorité, ainsi que sa proposition d’action directe et de solidarité. Comme si ses idées et sa manière de penser ne valaient rien ! ….et le voilà maintenant accroché aux ennemis de son frère, réclamant justice à ceux qui l’ont assassiné, faisant de sa mémoire des événements folkloriques sous contrôle et haute surveillance, dans le cadre de la démocratie putride.

Le sang continue de couler aux quatre coins du territoire argentin et nous savons actuellement qui sont les faces visibles de tous ces agissements mafieux et criminels, Mauricio Macri (président), Patricia Bullrich (ministre de la sécurité), María Eugenia Vidal (gouverneure de la province de Buenos Aires), Gabriela Micheti (vice-présidente), Horacio Rodríguez Larreta (chef du gouvernement) etc. Ils veulent nous habituer à une société policière, à nous taire face à un abus de pouvoir ou d’autorité, à un coût de la vie auquel il devient impossible de faire face [3]. Si nous devons payer un loyer, nous ne mangeons pas, nous ne nous habillons pas, sans parler de celles et ceux qui ont une famille nombreuse, (que moqueries ou cynisme politique) avec les heures supplémentaires de taf mal payées et souvent par tranches, bien pratiques pour eux tout comme le chantage mesquin de la “banque d’heures” qui permet de faire faire des heures sup’ en ne les payant qu’à la condition que l’entreprise vende son produit, misérable politique d’extorsion établie par les patrons. Mais attention au fait “d’élever la voix ou de s’organiser pour lutter” ! Parce qu’ils vont nous étriper et tout va être encore plus compliqué. Mais cela n’a rien à voir avec un type de gouvernement, consciemment nous savons qu’il s’agit simplement du mécanisme d’exploitation d’un système qui repose sur les classes sociales, sur la propriété privée et sur le capital, défendu et maintenu en place par l’Etat et sa violence autoritaire qui soutient le pouvoir. Nous ne voulons pas renverser la balance ou la vapeur, parce que nous refusons que les uns soient au-dessus des autres, nous n’aspirons pas à réduire quiconque en esclavage ni à cesser d’être pauvres pour devenir riches, et encore moins, comme ils le disent tous, à être notre propre patron. NON !!! Rien de tout cela, nous luttons pour que nos vies puissent jouir d’une pleine liberté. NOUS LUTTONS POUR QUE PERSONNE NE SOIT HUMILIÉ PAR QUI A DAVANTAGE, NOUS LUTTONS POUR DÉTRUIRE LES PRIVILÈGES, LES PRISONS, LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE, LE POUVOIR ET L’AUTORITÉ !!

Ils nous traiteront de fainéants si nous jonglons ou travaillons dans la rue, ou si nous refusons leurs usines et leurs règles, nous voulons cesser de faire partie un tant soit peu de l’engrenage de ce système d’exploitation et de misère, mais nous n’avons à offrir que de petits exemples de rebellion, en quittant le troupeau et en créant d’autres manières de vivre qui ne soient basées ni sur la compétition ou le profit, ni sur l’obéissance à cette tyrannie capitaliste qui esclavagise, soumet et tue.

[Traduit de l’espagnol du n°15 de la publication anarchiste Rebellión, hiver 2019]

NdT:
[1] Rafael Nahuel : jeune Mapuche assassiné d’une balle dans le dos par la préfecture navale, le 25 novembre 2017
[2] Les prochaines élections présidentielles en Argentine doivent avoir lieu le 27 octobre 2019
[3]L’Argentine connaît actuellement une nouvelle “crise”, la dévaluation du peso et une inflation galopante accentuant encore la misère pour beaucoup.


AOÛT, du spectacle à la pratique

Août commence et le monde devient horrible, la place de mai se remplit de drapeaux rouges et argentins, tous cherchent les urnes, tous rampent pour une part de pouvoir et une autre de capital, dans la lumière des caméras se rejoignent les scénarios permis, les slogans répétés jusqu’à perdre leur sens et des faces signifiant réforme, des visages qui parlent de légalité, d’électoralisme, des grimaces publicitaires du manque de volonté, des regards policiers, des rires obscènes et le dégoût de la justice bourgeoise qu’ils ont aux lèvres.

Nous au milieu

Lorsque le soleil se couche, les cagoules bougent, repeignent à nouveau le Cabildo [1], “Guerre à l’Etat et aux partis”, “Vengeance pour lechu”, “Santiago était Anarchiste”, des slogans qui doivent être dits, même s’ils importent peu pour ceux qui choisissent de détourner le regard et de continuer à faire leur spectacle, c’est un laisser-faire réciproque, nous nous sommes servi du calme du moment, l’ambiance pacifiée incommode, mais la spontanéité ne peut pas grand chose face à un show pré-

programmé, nous savons que les caméras attendent avec impatience que les agents en civil voltigent et que les motos de police attendent le bon moment, la gauche adore la victimisation, la droite adore les utiliser pour se légitimer.

Nous au milieu.

Quelques heures plus tard, tout suit son cours, le spectacle passe de la rue à l’écran, les classiques médias conservateurs mettent en scène leur indignation de manière affligeante face aux tags sur “un monument historique”, et les progressistes font mine d’être surpris, “ils sont utiles”, “ils sont toujours pour Santiago, nous ignorons pourquoi”, nous le savons toutes et tous, nous savons ce qu’ils font et aucun muscle de leur visage ne bougera, leur manière de jouer est flagrante, mais ils ne sortent pas des rôles assignés au préalable, certains mélangeront de nouveau anarchistes et kirchneristes [2], les autres laisseront entendre qu’en réalité nous sommes des flics, au milieu restent les tags, la rencontre, le besoin d’être là, d’être de quelque manière que ce soit, de faire du bruit, mais en étant conscient-e-s que tout cela est un cirque, peut-être quelques individualités inconnues esquissent-elles un sourire en voyant ces phrases peintes et d’autres se sentent-elles moins seul-e-s, ou dans la mer convulsive de l’information apprennent notre existence, mais juste ça, autant d’obéissance inspire le dégoût, il reste maintenant à réfléchir à nouveau, à créer nos propres espaces, en dehors du show, il reste à transformer toute cette impuissance en opportunités pour l’attaque, ici et maintenant, renforcer le dialogue en direction de nos désirs et les mettre en pratique, abandonner les phrases toutes faites qui parlent d’organisation pour les transformer en rage et en complicité.

C’est le premier. Il nous reste un mois d’agitation.

Il nous reste une vie de révolte.

[Traduit de l’espagnol du n°3 de la Rivolta, Buenos Aires septembre 2019]

NdT:
[1] Edifice symbolique sur la place de Mai à Buenos Aires
[2] Du nom des Kirchner, dynastie de péronistes de gauche. Néstor Kirchner a été président de la république de 2003 à 2007, Christina Kirchner a pris le relais de 2007 jusqu’en 2015. Ayant de grosses casseroles de corruption, elle se représente aux prochaines élections “juste” en tant que vice-présidente.

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